Que serait la litterature française sans… L’Uruguay
L’Uruguay a donné coup sur coup trois poètes aux lettres françaises : Laforgue, Lautréamont, Supervielle. Trois hommes que tourmente une inquiétude métaphysique. De quoi imaginer quelque genius loci, ou jurer par Taine.
Ce texte n’épuisera pas ce thème, en une page je ne resumerai pas ce qu’il y avait de remarquable dans les textes de ces poètes, parmi les plus sensibles et souvent les plus mélancoliques de la poésie française.Jules Supervielle (1884-1960), Français d’Uruguay – comme Lautréamont et Laforgue -, enfant adopté, exilé, a toujours eu du mal se définir, a se forger une identité unique. D’où sa fascination pour les doubles, les miroirs. De là aussi sa fantaisie et ce sentiment d’appartenance à la nature, de parenté avec le monde animal.
A l’élection de « l’entre-deux » comme espace privilégié de l’écriture, la biographie du poète apporte une première explication. Né à Montevideo, en Uruguay, de parents français, Jules Supervielle est à peine âgé de huit mois lorsque son père et sa mère, en août 1884, traversent l’Atlantique et rejoignent la France où ils disparaîtront accidentellement quelques mois plus tard. D’abord recueilli par sa grand-mère maternelle au Pays basque, Supervielle s’en retourne à Montevideo avec son oncle en 1886. Il en reviendra huit ans plus tard pour entreprendre ses études secondaires à Paris, au lycée Janson-de-Sailly. Son imaginaire d’orphelin va se loger entre deux mondes. Ses premiers essais d’écriture vont tenter tant bien que mal de conjurer l’oubli et de consoler la perte. La première plaquette de poèmes que Supervielle publie à compte d’auteur, en 1901, s’intitule significativement Brumes du passé . Elle s’ouvre sur un court texte « A la mémoire de mes parents »
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«C’est au comte de Lautréamont qu’incombe peut-être la plus grande part de l’état de choses poétique actuel : entendez la révolution surréaliste!.»
André Breton
Isidore Ducasse (Lautréamont), uruguayen-français, fut considéré par les surréalistes comme un précurseur de la révolution littéraire du XXe siècle. En 1867 paraît à compte d’auteur et sous l’anonymat le premier des six Chants de Maldoror. Le recueil complet, signé du comte de Lautréamont, sera publié en 1869 et passera inaperçu, de même que ses fragments en prose (Poésies, 1870), rédigés peu de temps avant sa mort. Réédités en 1874 puis en 1890, les Chants de Maldoror seront remarqués par les symbolistes puis exaltés par les surréalistes.
Dès le premier chant, le thème du «mal» libère d’étranges forces obscures et salvatrices (celles de l’inconscient) que les chants III et IV amplifient de résonances ténébreuses. Parallèlement, Lautréamont déploie un art de l’ironie, se livrant à un détournement des traditions du récit populaire français et du roman noir gothique. Cette révolte blasphématoire se traduit sur le plan poétique par une sacralisation des fantasmes (cf le bestiaire du chant V).
Lautréamont se révèle un exceptionnel créateur de métaphores. L’exemple le plus caractéristique de cette capacité à concevoir de nouvelles images se trouve dans la série des «Beau comme!…» des chants V et VI, où l’auteur supprime un des deux termes de la comparaison, atteignant à la quintessence de l’effet poétique recherché par les surréalistes.
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Jules Laforgue «Ah ! tout est bien qui n’a pas de fin.» Né à Montevideo en Uruguay, où son père est instituteur, Jules Laforgue, eut un destin malheureux. |
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